Ao An
Dossier concerné : Dossiers n° 004 et 004/02
Surnom : Ta An, AOM An, AO Yoeurng, AOM Yeourng1
AO An (1933-2020) a été secrétaire du secteur 41 avant d’être nommé secrétaire adjoint de la zone centrale. Il a été mis en examen et renvoyé en jugement par le co-juge d’instruction international dans le dossier n° 004 (ultérieurement 004/02), tandis que le co-juge d’instruction cambodgien a rendu un non-lieu pour défaut de compétence personnelle.
La Chambre de la Cour suprême a ordonné en 2021 l’extinction des poursuites engagées contre Ao An en l’absence d’un acte d’accusation spécifique et exécutoire.
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Drag
1933
Naissance dans le village de Taing Svay, commune de Peam, district de Kampong Tralach Leu, province de Kampong Chhnang2
1954
1954-1960
Est moine3
1963
1963-1970
Est riziculteur4
1969
Août
Est arrêté par des cadres de la République khmère et interrogé concernant ses liens avec la résistance communiste5
1970
18 mars
Adhère au mouvement communiste après que Norodom Sihanouk a été renversé6
1971
Est nommé au comité du district de Kandal Stueng et commandant de la division 117
1975
17 avril
Commande la division 11 durant l’assaut contre Phnom Penh et est nommé membre du comité du secteur 25 (zone Sud-Ouest) ainsi que secrétaire du district de Sa-Ang8
1976
Début 1976
Fin 1976 – février 1977
Est envoyé dans la zone centrale avec un groupe d’environ 100 à 300 cadres de la zone Sud-Ouest11
1977
Fin 1977
Est nommé secrétaire adjoint de la zone centrale13
1978
Octobre
Est secrétaire de la zone centrale par intérim en l’absence de Ke Pauk14
1979
Après janvier 1979
Prend la fuite et gagne le camp de réfugiés de Mum Bei avec des forces du PCK, pour ensuite rejoindre le camp de Steung Chann en Thaïlande15
2009
7 septembre
Est désigné dans le Troisième réquisitoire introductif du co-procureur international16
2018
16 août
Est renvoyé en jugement par le co-juge d’instruction international, tandis que le co-juge d’instruction cambodgien prononce un non-lieu17
2019
19 décembre
La Chambre préliminaire échoue à réunir la majorité qualifiée requise pour statuer sur les appels interjetés contre les ordonnances de clôture contradictoires18
2020
10 août
La Chambre de la Cour suprême ordonne l’extinction des poursuites en l’absence d’un acte d’accusation définitif et exécutoire19
Charges
Le co-juge d’instruction cambodgien a rendu un non-lieu dans le dossier ouvert contre Ao An, considérant que les CETC ne possédaient pas la compétence personnelle requise pour le juger dès lors qu’il n’appartenait ni à la catégorie des hauts dirigeants ni à celle des principaux responsables des crimes commis à l’époque du Kampuchéa démocratique 20 .
Considérant que Ao An entrait dans la catégorie des principaux responsables des crimes commis à l’époque du Kampuchéa démocratique, le co-juge d’instruction international l’a renvoyé en jugement des chefs d’accusation suivants
21
:
- Génocide
- Crimes contre l’humanité
- Violations du Code pénal cambodgien de 1956
- La Chambre préliminaire a considéré que les co-juges d’instruction avaient commis une erreur en rendant deux ordonnances de clôture contradictoires, mais elle n’a pas réuni la majorité qualifiée requise pour ordonner soit le renvoi en jugement soit le non-lieu 22 .
- La Chambre de la Cour suprême a ordonné l’extinction des poursuites en l’absence d’un acte d’accusation définitif et exécutoire 23 .
Principales conclusions
Ordonnances de clôture rendues par les co-juges d’instruction
Les deux co-juges d’instruction ont considéré, dans leurs ordonnances de clôture respectives rendues dans le dossier n° 004/2, que Ao An :
- N’avait été membre ni du Comité central ni du Comité permanent du PCK 24
- Avait été membre du comité du secteur 25 de la zone Sud-Ouest avant de devenir membre du comité du secteur 35 25
- Avait été nommé par Ke Pauk en tant que secrétaire du secteur 41, chargé de l’administration générale, de la diffusion des politiques du PCK, de la culture et de la production rizicoles, et de l’amélioration du rendement des travaux 26
- Avait été nommé secrétaire adjoint de la zone centrale à la mi-1977 27
- Avait pris part aux ordres donnés en vue d’arrêter et exécuter certaines personnes, participé à la diffusion des politiques du PCK visant les Chams, coordonné les mariages forcés dans le secteur 41, et participé à la purge de la zone Est 28
L’Ordonnance de non-lieu
Le co-juge d’instruction cambodgien a considéré que Ao An n’appartenait ni à la catégorie des hauts dirigeants ni à celle des principaux responsables des crimes commis à l’époque du Kampuchéa démocratique, pour les motifs suivants :
- Il n’était pas apparu comme se distinguant des autres secrétaires de secteur et secrétaires adjoints de zone, conformément au principe de la compétence sélective des CETC 29
- Il avait agi sur les ordres et les instructions de Ke Pauk, ses fonctions n’ayant pas fait l’objet d’une nomination officielle 30
- Il avait certes participé à la commission de crimes mais pas au-delà des ordres, du pouvoir et du contrôle de Ke Pauk, secrétaire de la zone centrale 31
- Il n’avait pas mis en place le centre de sécurité de Kraing Ta Chan ni d’autres sites de crimes dans le secteur 13 32
- Sa participation aux crimes avait été non-autonome, inactive, non-créative et indirecte 33
- Il n’avait pas pris part à l’élaboration des politiques du PCK 34
L’Ordonnance de renvoi
Le co-juge d’instruction international a considéré que Ao An appartenait à la catégorie des principaux responsables des crimes commis à l’époque du Kampuchéa démocratique, pour les motifs suivants
35
:
- Il avait été membre d’une entreprise criminelle commune avec Ke Pauk et d’autres dirigeants du PCK, leur objectif commun ayant été de mettre en œuvre, dans la zone centrale, les politiques qui consistaient à créer des coopératives et des sites de travail, à rééduquer les « mauvais éléments » et tuer les « ennemis », à prendre pour cibles certains groupes particuliers et à réglementer le mariage 36
- S’était employé à écarter systématiquement l’administration du secteur 41 et à la remplacer par des cadres de la zone Sud-Ouest 37
- Avait contrôlé et régulièrement visité les centres de sécurité du secteur 41 pour évaluer l’avancement des purges et pour veiller à la pleine application de ses ordres, coordonné des opérations de grande envergure visant à arrêter et exécuter les ennemis du Parti, et reçu des rapports sur les questions de sécurité et de discipline qu’il transmettait ensuite au comité de zone 38
- Avait fréquemment envoyé des forces militaires du secteur chargées d’arrêter, rééduquer ou exécuter certaines personnes 39
- Avait pris part à l’administration de la zone centrale, été responsable des projets de construction dans toute cette zone, assisté à des réunions portant sur la planification des purges dans toute la zone et sur la mise en œuvre de la politique du PCK, et discuté avec Son Sen du transfert de personnes de la zone Est vers la zone Nord-Ouest pour leur faire faire des travaux agricoles 40
- Avait joué un rôle crucial dans l’application des politiques économiques et agricoles du PCK dans toute la zone centrale en créant des sites de travail et des coopératives, en suivant les progrès accomplis sur les sites de travail du secteur 41, et en animant des réunions au cours desquelles il avertissait les participants que s’ils n’atteignaient pas les objectifs de production, ils seraient considérés comme des ennemis de la révolution et privés de nourriture, envoyés en rééducation, arrêtés, frappés, ou encore disparaîtraient 41
- Avait été impliqué dans le transfert des personnes et des ressources dans le secteur 41, son autorisation expresse étant nécessaire pour procéder à ces transferts, tandis que les personnes se déplaçant sans laissez-passer étaient arrêtées 42
- Avait ordonné à ses secrétaires de district de repérer et exécuter les personnes qui se plaignaient de leurs conditions de vie et de travail 43
- Avait contribué à inviter des cadres des trois secteurs de la zone centrale à participer à une soi-disant session d’étude, alors qu’en réalité ces personnes allaient être arrêtées et envoyées dans un centre de sécurité pour être rééduquées ou exécutées dès leur arrivée 44
- Avait élaboré un plan selon lequel les hauts cadres devaient être arrêtés et emmenés à Wat Phnom Pros Phnom Srei pour y être exécutés, les cadres subalternes et les auteurs d’infractions légères envoyés au principal centre de sécurité de Met Sop ou à celui de Wat Ta Meak, et les habitants ordinaires emmenés au centre de sécurité de Wat Batheay 45
- Avait activement dirigé la purge du secteur 41 en identifiant les ennemis à éliminer, en ordonnant à ses subordonnés de procéder à des arrestations et exécutions, en contrôlant étroitement la mise en œuvre de la purge (envoi de son messager personnel pour vérifier que les prisonniers arrêtés avaient été tués), en apportant un soutien logistique, et en utilisant le bureau du secteur 41 comme une plateforme opérationnelle cruciale 46
- Avait ordonné à ses subordonnés de repérer et arrêter certaines personnes en leur faisant croire qu’elles recevraient certains postes, alors qu’en réalité elles allaient être arrêtées et exécutées 47
- Avait ordonné l’arrestation, le placement en détention puis le transfert ou l’exécution de Chams, de Vietnamiens ou d’autres ennemis du PCK dans le district de Kampong Siem 48
- Avait arrêté, rééduqué ou tué des gens ayant commis des infractions mineures ou accusées d’en avoir commis, comme par exemple un vol de nourriture ou une faute morale 49
- Avait été impliqué dans l’arrestation de cadres et de civils de la zone Est et dans leur transfert vers la zone centrale où ils allaient être exécutés 50
- Avait continué la purge du secteur 41 jusqu’à la fin du régime du Kampuchéa démocratique alors même qu’une directive avait été émise visant à mettre fin aux tueries 51
- Avait été impliqué dans la réglementation des mariages dans l’ensemble du secteur 41 52
Les appels interjetés contre les ordonnances de clôture
- Les juges cambodgiens de la Chambre préliminaire ont confirmé l’Ordonnance de non-lieu rendue par le co-juge d’instruction cambodgien, considérant comme nulle l’Ordonnance de renvoi rendue par le co-juge d’instruction international 53
- Les juges internationaux de la Chambre préliminaire ont confirmé l’Ordonnance de renvoi rendue par le co-juge d’instruction international, considérant comme nulle l’Ordonnance de non-lieu rendue par le co-juge d’instruction cambodgien 54 .
Issue du dossier
- La Chambre de la Cour suprême a considéré que, compte tenu du caractère illégal de la délivrance de deux ordonnances de clôture contradictoires par les co-juges d’instruction, aucune de ces ordonnances n’était valide, et que, en l’absence d’un acte d’accusation spécifique et exécutoire, il convenait de prononcer l’extinction des poursuites engagées contre Ao An devant les CETC 55 .
Avocats
Me Mom Luch, Me Richard Rogers, Me Göran Sluiter
Documents pertinents
Interviews
- Interview de Ao An, 1er août 2011, E3/8987.
- Transcription de Ao An, 3 janvier 2017, E3/8987a.