YIM Tith (Né en 1936) a été secrétaire des secteurs 1, 3, 4 (zone Nord-Ouest) et 13 (zone Sud-Ouest), et secrétaire du district de Kirivong. Il a été mis en examen et renvoyé en jugement par le co-juge d’instruction international dans le dossier n° 004, tandis que le co-juge d’instruction cambodgien a ordonné le non-lieu au motif que les CETC ne possédaient pas la compétence personnelle requise pour le juger. L’extinction des poursuites engagées contre Yim Tith a été prononcée en 2021.
Découvrir la hiérarchie des Khmers rouges pour comprendre son rôle dans ce régime qui cultivait le secret.
Drag
1936
30 décembre
Naissance dans le village de Trapeang Kol, commune de Trapeang Thom, district de Tram Kak, province de Takeo 3
1948
1948-1951
Devient moine dans la commune de Trapeang Thom, tout en poursuivant ses études à l’école de pali à la pagode Moha Montrei4
1970
Quitte l’habit et rejoint le mouvement khmer rouge5
1976
De 1976 à fin 1977
Devient secrétaire adjoint du district de Kirivong et secrétaire du secteur 136
1978
Mi-1978
Devient secrétaire des secteurs 1, 3 et 4 et membre du Comité de la zone Nord-Est7
1979
Peu avant janvier 1979
Prend la fuite et gagne Pailin8
2008
20 novembre
Est désigné dans le Troisième réquisitoire introductif du co-procureur international9
2019
28 juin
Le co-juge d’instruction cambodgien rend une ordonnance de non-lieu, tandis que le co-juge d’instruction international rend une ordonnance de renvoi10
2021
17 décembre
La Chambre préliminaire échoue à réunir la majorité qualifiée qui est requise pour statuer sur les appels visant les ordonnances de clôture contradictoires11
28 décembre
La Chambre de la Cour suprême ordonne l’extinction des poursuites en l’absence d’un acte d’accusation définitif et exécutoire12
Principales conclusions
Ordonnances de clôture rendues par les co-juges d’instruction
Les deux co-juges d’instruction ont considéré, dans leurs ordonnances de clôture respectives rendues dans le dossier n° 004, qu’il existait suffisamment de preuves attestant que Yim Tith :
L’Ordonnance de non-lieu
Le co-juge d’instruction cambodgien a considéré que Yim Tith n’appartenait ni à la catégorie des hauts dirigeants ni à celle des principaux responsables des crimes commis à l’époque du Kampuchéa démocratique, pour les motifs suivants :
- Il faisait partie d’au moins 100 personnes au niveau de la zone et du secteur, et n’occupait aucun poste important au sein du Parti 18
- Il avait occupé un poste dans la zone Nord-Ouest pendant une courte période uniquement 19
- Il n’avait pas de subordonnés particuliers participant à la mise en œuvre des politiques du PCK 20
- Il avait certes eu connaissance de la commission des crimes, mais n’avait pas pris d’initiative ni participé activement à l’application des politiques du Parti au-delà du degré d’implication attendu des autres cadres de secteur ou de zone 21
- De nombreux témoins ne le connaissaient pas 22
- Il n’avait pas mis en place de sites de crimes avant de devenir secrétaire du district de Kirivong, tandis que d’autres sites de crimes avaient cessé de fonctionner après sa désignation en tant que secrétaire du secteur 1 23
- Il avait manifestement été impliqué de manière limitée, compte tenu des éléments de preuve disponibles, dans les crimes commis au bureau de sécurité de Wat Pratheat, sur le chantier du barrage de Kang Hort, sur le site de travail de la sucrière de Kampong Kol, ainsi que dans les mariages forcés organisés dans le district de Samlout 24
- Il n’avait pas été à l’origine de la politique de purges dans la zone Nord-Ouest 25
L’Ordonnance de renvoi
Le co-juge d’instruction international a considéré que Yim Tith appartenait à la catégorie des principaux responsables des crimes commis à l’époque du Kampuchéa démocratique, pour les motifs suivants
26
:
- Il avait été membre de trois entreprises criminelles communes avec Ta Mok et d’autres cadres de la zone Sud-Ouest, dont les objectifs étaient respectivement les suivants : 1) mettre en œuvre les politiques du PCK concernant la création de sites de travail et de coopératives, la réglementation du mariage sous la forme des mariages forcés, la rééducation des « mauvais éléments » et l’exécution des « ennemis », et la prise de mesures contre certains groupes particuliers ; 2) mettre en œuvre à l’échelle du pays un plan d’élimination des Khmers Krom; 3) mettre en place un système de mauvais traitements au centre de sécurité de Wat Pratheat 27
- Il avait très rapidement gravi les échelons, ayant été successivement secrétaire adjoint de district dans la zone Sud-Ouest puis secrétaire adjoint de zone, voire même peut-être secrétaire à part entière de la zone Nord-Ouest vers la fin de la période du Kampuchéa démocratique 28
- Il avait d’étroits liens familiaux avec Ta Mok (son beau-frère), effectuait des déplacements avec lui dans l’ensemble de la zone pour assister à des réunions, et était de facto le numéro deux dans la hiérarchie après lui 29
- Il était responsable de crimes commis sur plus de 20 sites, y compris génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre, et homicide tel que sanctionné par le Code pénal cambodgien 30
- Il avait participé au génocide des Khmers Krom et l’avait orchestré dans les territoires relevant de sa responsabilité, y compris en interrogeant les prisonniers, en les désignant comme des ennemis, et en donnant ou transmettant l’ordre d’interroger et tuer des prisonniers au centre de sécurité de Wat Pratheat ou tout au moins en acceptant pareils actes 31
- Il avait soumis hommes et femmes à la politique de mariages forcés du PCK en assistant au moins aux phases préparatoires d’une cérémonie de mariage collective dans le secteur 1 et en donnant des instructions aux mariés quelques jours plus tard 32
- Il avait parlé de la purge des Vietnamiens lors de réunions auxquelles assistaient tant des cadres militaires que civils du secteur 1 de la zone Nord-Ouest, exhortant les gens à surveiller et dénoncer les ennemis liés au Vietnam pour pouvoir les tuer 33
- Il avait supervisé des activités de production et de construction, mis en place des sites de travail et des coopératives qu’il avait ensuite inspectés pour évaluer les progrès accomplis, présidé des réunions et des cycles d’étude sur des sites de travail, prononcé des discours sur la production agricole et donné des instructions sur la construction de barrages et canaux, formé des chefs d’unité de travail, et donné pour consigne aux effectifs de travailler dur pour atteindre les objectifs du PCK 34
- Il avait contribué à l’application d’une discipline stricte parmi les ouvriers, en particulier au barrage de Kang Hort 35
- Il avait orchestré la purge de la zone Nord-Ouest jusqu’au moment de son annonce du remplacement des cadres de cette zone, en effectuant des visites dans l’ensemble de la zone et en présidant des réunions, ordonnant aux cadres subordonnés de repérer les ennemis pour que ceux-ci puissent être rééduqués ou tués, et faisant rapport sur le nombre d’ennemis ainsi débusqués et exécutés 36
- Il avait personnellement visité tout au moins la coopérative de Thipakdei, le site de travail de Tuol Mtes et le centre de sécurité de Banan pour évaluer la progression de la purge et pour veiller à ce que ses ordres soient pleinement appliqués 37
Les appels interjetés contre les ordonnances de clôture
- Les juges cambodgiens de la Chambre préliminaire ont confirmé l’Ordonnance de non-lieu rendue par le co-juge d’instruction cambodgien, considérant comme nulle l’Ordonnance de renvoi rendue par le co-juge d’instruction international 38 .
- Les juges internationaux de la Chambre préliminaire ont confirmé l’Ordonnance de renvoi rendue par le co-juge d’instruction international, considérant comme nulle l’Ordonnance de non-lieu rendue par le co-juge d’instruction cambodgien 39 .
Issue du dossier
- La Chambre de la Cour suprême a considéré que, compte tenu du caractère illégal de la délivrance de deux ordonnances de clôture contradictoires par les co-juges d’instruction, aucune de ces ordonnances n’était valide, et que, en l’absence d’un acte d’accusation spécifique et exécutoire, il convenait de prononcer l’extinction des poursuites engagées contre Yim Tith devant les CETC 40 . La Juge Maureen Harding Clark a exprimé une opinion dissidente, s’opposant au raisonnement juridique de la majorité des juges mais souscrivant à leur conclusion 41 .
Avocats
Me So Mosseny, Me Suzana Tomanović, Me Neville Sorab (pro bono)