Rappel des faits et rôle
Bou Thon et son époux, Phok Horn, ont été catégorisés comme faisant partie du « peuple nouveau », ou du « peuple du 17 avril » durant le régime. 1 Elle a comparu en tant que témoin lors du procès dans le dossier n° 001 sur leur rôle au sein du Ministère de l’énergie, au sujet de l’exécution de son mari qui était détenu au centre S-21, des conditions et des disparitions au sein du centre S-24 où elle était détenue, et des souffrances qu’elle a endurées durant le régime, dont la mort de ses quatre enfants.
Avant avril 1975, ils vivaient à Phnom Penh avec leurs enfants2. Lorsque les Khmers rouges on pris le contrôle de la ville, ils ont tenté de fuir mais ils ont été redirigés par les soldats de Pol Pot3. Elle a expliqué en détail comment à partir de ce moment : « l’Angkar nous a ramené à Phnom Penh et nous a présentés à la révolution ». 4
Bou Thon a déclaré que, quelques mois plus tard, son époux avait été affecté au Ministère de l’énergie pour y travailler5. Il conduisait un camion-citerne qu'il avait reçu de la Royal Air Cambodge pour transporter des effets de guerre6, tandis qu'elle travaillait comme cuisinière et préparait les repas du personnel du ministère7. Ils résidaient dans la station service de Popeal Khae8.
Au cours de l’année 1977, après la naissance de leur quatrième enfant, son époux a disparu9. Elle a appris par la suite qu’il avait été arrêté à cause de Kuy Thuon, le chef de la zone Nord qui les avait « présentés » à la révolution10 et qui l’a accusé de traîtrise11. Elle a déclaré ne pas connaître les circonstances de l’arrestation et de la mort de son époux, même si elle a vu sa photo au centre S-21 quelques années plus tard12.
Conditions au sein du centre S-24
En 197713, Bou Thon a été transférée à Anlong Kong, également connu sous le nom de K-1414, une composante du centre S-24. Comme l’a fait remarquer la Chambre de première instance, le centre S-24, également connu sous le nom de Prey était un camp de rééducation sous l’autorité du Duch, situé en dehors de Phnom Penh, près du lieu d’exécution de Choeung Ek, district de Dangkao, province de Kandal15. La Chambre a par ailleurs fait remarquer que « les détenus à S-24 étaient largement composés de parents et de subordonnés des personnes détenues au centre S-21, ainsi que de combattants et de membres du personnel des ministères ou autres institutions publiques »16. Bou Thon a déclaré avoir été amenée au centre S-24 car elle « était vue comme un ennemi »17. À son arrivée, elle a été photographiée et interrogée sur sa biographie18.
Elle a décrit le centre S-24 comme « un lieu de transit, où beaucoup de gens arrivaient, où les gens étaient concentrés avant d’être envoyés ailleurs »19. Elle y avait pour ordre de couper du bois pour le feu, de pêcher du poisson et de cultiver du riz et des légumes20, sans pour autant être autorisée à les manger21. Elle ne recevait que deux repas par jour, consistant en une portion de riz suivi d’une bouillie très liquide22, et elle se souvient que certains détenus étaient « très maigres »23. Elle a déclaré avoir dormi dans un abri communal, avec environ 10 à 20 autres personnes24. Elle commençait le travail tôt le matin et continuait dans l’après-midi25. La Chambre de première instance a considéré son récit de ces conditions comme authentique26.
Bou Thon se souvient que les gens étaient amenés de nuit27. Parfois, des camions de gens arrivaient avant de disparaître le jour d’après28. Elle ignorait d’où venaient ces gens et où ils étaient emmenés, et elle n’a pas osé demander. 29 Elle a décrit l’impact que cela avait sur sa santé mentale comme suit :
J’étais terrifiée mais je n’ai rien dit car je me disais que ces gens étaient amenés le jour même ou la nuit ; et que peut-être mon tour viendrait le jour suivant30.
Dans son témoignage, Bou Thon a parlé des graves privations de liberté et d’autonomie dont elle a été victime au centre S-24, dont une grande partie a été citée par la Chambre de première instance dans son jugement31. Elle a déclaré qu’elle n’était pas libre de parler aux autres personnes qui travaillaient à ses côtés et qu’elle « n’avait aucune liberté d’expression »32. Elle ne pouvait pas se déplacer librement, décrivant le centre S-24 comme « une prison à ciel ouvert ». 33 Elle a expliqué comment elle était battue et maltraitée34 et comment elle s’est sentie « déshumanisée car sa vie était entre leurs mains et ils pouvaient prendre n’importe quelle décision, y compris [de] [la] tuer, s’ils le voulaient »35.
Perte de ses enfants
Bou Thon a eu quatre enfants : trois filles et un garçon. Ses filles ont été emmenées dans une unité mobile pour enfants et elle n’avait le droit de les voir que très occasionnellement. 36 Après la libération, elles ont disparu à jamais37.
Seul son fils est resté avec elle au centre S-2438. Il était confié à quelqu’un lorsqu’elle travaillait et elle lui donnait le sein durant ses pauses. 39 Il y avait environ une dizaine d’enfants au centre d’accueil pour enfants40. La Chambre de première instance a cité le témoignage de Bou Thon sur ce point précis dans son jugement :
Le témoin BOU Thon a remarqué la présence de dix enfants en bas âge au centre d’accueil pour enfants du S-24, dont les mères n’étaient pas autorisées à s’occuper. Certains étaient malades, d’autres sont morts. 41
Son fils est mort après la libération du 7 janvier 1979 par les Vietnamiens, lorsqu’elle s’enfuyait vers Battambang42, avant de retourner dans sa ville natale43. De toute sa famille, elle est la seule survivante ; elle a perdu son époux et tous ses enfants44.
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Date | Procès-verbal d’audience | Numéro de transcription |
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12 août 2009 | E1/62 | E1/62.1 |
Titre du document en khmer | Titre du document en anglais | Titre du document en français | Numéro de document D | Document numéro E3 |
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ប្រវត្តិរូបរបស់ ប៊ូ ថុន | Biography of Bou Thon | Biographie de Bou Thon | IS 19.12 | E3/492 |
កំណត់ហេតុនៃស្តាប់ចម្លើយសាក្សី ប៊ូ ថុន របស់សហចៅក្រមស៊ើបអង្កេត ចុះថ្ងៃទី១០ ខែមករា ២០០៨ | Written Record of Interview Bou Thon | Procès-verbal de l’entretien de Bou Thon | D28/10 | E3/493 |
បទសម្ភាសន៍របស់ ប៊ូ ថុន ជាមួយមជ្ឈមណ្ឌលឯកសារកម្ពុជា ចុះថ្ងៃទី១១ ខែកញ្ញា ឆ្នាំ២០០៤ | DC-Cam statement of Bou Thon | Entretien de Bou Thon par le DC-Cam | IS 19.12 | E3/494 |