Rappel des faits et rôle
Chan Morn a rejoint la révolution en mars 19701. Pendant le régime, on l’a chargé de la gestion de matériel transporté de Chine à l’aérodrome de Kampong Chhnang2. Début 1976, il a commencé à travailler avec une délégation chinoise et a dirigé une équipe chargée de couper des arbres dans la forêt pour le site de travail3. Il a témoigné devant la Chambre de première instance dans le dossier n° 002/02 sur sa détention au S-21, sur les conditions de travail sur l’aérodrome de Kampong Chhnang et sur l’arrivée de l’aide de Chine.
Soutien et présence de la Chine
Après avril 1975, Chan Morn a été chargé par Lvey, commandant du régiment 130 de la division 502,4 de gérer la collecte d’aide chinoise en provenance de Kampong Som.5 L’aide était composée d’environ 100 ou 200 camions,6 bulldozers et paniers devant servir au transport de la terre pour l’agriculture et la construction d’irrigations7. Une partie du matériel a été envoyée sur les chantiers de barrages et de canaux d’irrigation, une autre vers l’aéroport de Kampong Chhnang8.
La division 502 et le fonctionnement de l’aérodrome de Kampong Chhnang
La division 502 était la division aérienne de l’armée, sous la supervision de Sou Met9. Sa mission principale était de défendre l’espace aérien du Cambodge10. La Division a dirigé la construction de l’aérodrome de Kampong Chhnang11. Les soldats assignés à la division 502 y ont travaillé, alors que d’autres ont reçu l’ordre de garder l’aéroport de Pochentong12
L’aérodrome était situé dans le district 20, secteur 31 de la zone Ouest13. Il a entendu que l’aéroport avait été construit pour les opérations militaires14. Les matériaux et les ingénieurs venaient de Chine, alors que les travailleurs étaient des soldats khmers hommes et femmes, de la division 502 et de plusieurs autres unités, notamment de la zone Est15. Il a été témoin de trois visites de gens importants mais sans savoir qui ils étaient ni qu’elles étaient leurs fonctions16.
Chan Morn faisait partie du premier groupe qui est arrivé sur le site de travail avec des experts chinois avant le début de la construction17. On lui a confié pour mission de conduire les Chinois pour prendre des mesures et diriger le forage pour construire l’aérodrome18. Les Chinois utilisaient des machines de mesure, tandis que les travailleurs khmers les suivaient et prenaient les mesures à la main19. La Chambre de première instance s’est appuyée sur le témoignage de Chan Morn pour conclure que même si le travail préliminaire avait été mené à bien plus tôt, les activités de construction ont débuté à la mi-197620.
Les conditions de travail sur l’aérodrome de Kampong Chhnang
Le nombre de travailleurs sur le site s’élevait à un millier de personnes21, qui se voyaient confier différentes tâches : casser des pierres, utiliser les machines, collecter les déchets et couper les arbres22. Les experts chinois, les superviseurs et les travailleurs séjournaient dans des endroits différents, et avaient une nourriture et des jours de repos différents23. Les chefs d’unités pouvaient octroyer une courte pause s’ils estimaient que les travailleurs étaient épuisés24 . Chaque unité était responsable de la construction de ses propres dortoirs et de l’approvisionnement en nourriture des travailleurs25. Chan Morn fournissait à son unité de la nourriture en suffisance, mais ignorait ce qu’il se passait ailleurs26. La Chambre a cité le témoignage de Chan Morn pour conclure que les conditions de vie, notamment une nutrition insuffisante, le manque d’hygiène et des conditions sanitaires extrêmement mauvaises ne permettaient pas aux travailleurs de remplir leurs missions27.
La plupart des travailleurs de son unité ont attrapé le paludisme en travaillent dans la forêt, et les personnes malades ont été transportées en ambulance vers l’hôpital de la zone28. Les travailleurs de son unité de la zone Est lui ont dit que la moitié de leur main d’œuvre avait disparu, il s’agissait principalement de leurs superviseurs ou chefs, et qu’il restait seulement les soldats ordinaires29.
Chan Morn recevait des instructions de Sou Met et Lvey,30 et il devait faire rapport à Sou Met sur ses missions tous les deux ou trois mois31. Lvey donnait des instructions oralement sur les tâches à accomplir, le nombre de personnes impliquées, les rations alimentaires et les médicaments à fournir aux travailleurs32. La Chambre de première instance a conclu que les instructions liées au plan de travail étaient transmises via le commandement par SOU Met à Lvey et relayées aux chefs d’unités qui, à leur tour, donnaient des instructions aux travailleurs qu’ils dirigeaient dans leurs unités33.
Décès et disparitions à l’aérodrome de Kampong Chhnang
Les travailleurs ont été blessés par des morceaux de roche qui leur tombaient dessus lors d’explosions sur le site de travail34. Il a vu le cadavre d’une femme écrasée par un rouleau compresseur, et on lui a dit qu’elle s’était suicidée35. L’armée surveillait les travailleurs et montaient la garde36. Lors des réunions, les travailleurs se voyaient ordonner de bien se comporter et de suivre la ligne de conduite de la Révolution, sous peine d’être exécutés37 . Ceux qui étaient accusés d’être des ennemis étaient immédiatement arrêtés38. Il a personnellement vu des gens être emmenés39. Des camions venaient de Phnom Penh pour emmener ceux qui étaient arrêtés40. Très souvent la nuit, il entendait les cris provenant d’un certain endroit et sentait les mauvaises odeurs émanant de cet endroit. Il a vu des fosses41. Cependant, il n’a vu aucun cadavre42.
La Chambre de première instance s’est appuyée sur le témoignage de Chan Morn pour conclure que les travailleurs étaient contraints au travail43, qu’ils mouraient des causes directes des conditions de travail sur l’aérodrome, notamment les explosions, les accidents mortels, le surmenage et le manque de nourriture44. Elle a conclu que des disparitions ont eu lieu et ont contribué à instaurer un climat général de peur chez les travailleurs45, et que bon nombre d’entre eux ont été arrêtés et emmenés loin de l’aérodrome46. Cependant, la Chambre de première instance n’a pas retenu les ouï-dire présentés comme preuves car ils ne permettaient pas d’établir que des suicides avaient eu lieu47 et que des travailleurs étaient morts48.
Son arrestation et sa détention au S-21
Alors qu’il travaillait à l’aérodrome, Chan Morn a été accusé de transporter du riz pour les ennemis49. Sans raison, il a été arrêté et transporté au Centre de sécurité S-21 à Phnom Penh50. Peu après son arrivée, il est parvenu à s’enfuir51. Lorsqu’il est parvenu au pont de Chrouy Changva, des hommes l’ont emmené rencontrer Sou Met à l’aéroport de Pochentong52
Il a expliqué dans son témoignage qu’à son arrivée au S-21, il faisait déjà nuit. On lui a bandé les yeux53, on l’a frappé et on l’a emmené dans une cabine de toilettes au S-21, où un homme lui a donné un morceau de papier avec les instructions pour s’évader54. La Chambre de première instance a conclu que sa tentative d’évasion ne cadrait pas avec d’autres preuves, et qu’elle ne s’appuierait sur ses preuves que lorsqu’elles seraient corroborées par d’autres éléments55.
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Date | Procès-verbal d’audience | Numéro de transcription |
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9 juin 2015 | E1/312 | E1/312.1 |
10 juin 2015 | E1/313 | E1/313.1 |
Titre du document en khmer | Titre du document en anglais | Titre du document en français | Numéro de document D | Document numéro E3 |
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កំណត់ហេតុនៃការស្តាប់ចម្លើយសាក្សី ចាន់ ម៉ន | Written Record of Interview of CHAN Man | Procès-verbal de l’audition de CHAN Man | D166/116 | E3/5278 |
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