Rappel des faits et rôle
Chhim Sotheara était psychologue et directeur de la Transcultural Psychological Organisation (« TPO Cambodia »), une organisation fournissant des services de conseil et de formation afin d’aider les personnes ayant souffert de traumatismes et d’éduquer les gens au sujet des traumatismes afin qu’ils recherchent les traitements appropriés1. Chhim a témoigné en tant qu’expert dans le dossier n° 001 au sujet de l’impact psychologique du régime des Khmers rouges2.
La forte incidence du traumatisme et le manque criant de professionnels de santé au Cambodge après la chute des Khmers rouges ont poussé Chhim a entamer une carrière dans le domaine médical3. Il a suivi des études de médecine au Cambodge entre 1986 et 1992, il est devenu chirurgien avant de suivre des études de psychologie au sein de l’Université d’Oslo en Norvège, entre 1994 et 19984. En 2000, il est devenu directeur de TPO Cambodia5. Il a exercé en tant que psychologue pendant près de 15 ans avant son témoignage6.
L’impact psychologique général
Le régime des Khmers rouges a détruit l’ensemble des infrastructures du pays, ainsi que tout l’aspect social, familial et individuel de la nation cambodgienne7. Sur le plan social, après la destruction des institutions publiques, les Cambodgiens n’ont pas pu continuer de vivre en harmonie car ils ont été forcés d’évacuer leur lieu de vie, ils ne disposaient pas de nourriture suffisante, ni de soins médicaux, ni de logement, ils étaient soumis au travail forcé et ont été exécutés8. Les individus étaient répartis dans des groupes différents où régnait la peur ou la méfiance9. La destruction de la culture, de la religion et des coutumes habituelles a eu un impact psychologique considérable sur la population, lui enlevant tout espoir et la laissant démunie face à ses propres problèmes10.
Sur le plan familial et individuel, les Khmers rouges ont éloigné les individus de leur famille et ont transformé les enfants en espions épiant leurs parents11. Cela a eu un impact sur la santé et le bien-être des enfants car ils ne recevaient plus l’affection habituelle et vivaient dans un état de peur constante12. Beaucoup de Cambodgiens de plus de 18 ans ont souffert du syndrome de stress post-traumatique13.
Des blessures qui traversent les générations
Le lien fort entre les membres d’une même famille dans la culture cambodgienne a malheureusement favorisé la transmission du traumatisme à la jeune génération14. Un traumatisme secondaire peut se transmettre aux membres de la famille et même à ceux de la famille éloignée qui n’ont pas été directement victimes du régime15.
La Chambre de première instance a retenu le témoignage de Chhim au sujet de la nature des relations familiales au sein de la culture cambodgienne pour évaluer les demandes des membres de la famille élargie qui ont souhaité montrer leur lien particulier avec les victimes immédiates des centres S-21 et S-2416.
Traumatismes généraux vécus par les victimes des Khmers rouges
Chhim a reçu en thérapie de nombreux Cambodgiens souffrant du syndrome de stress post-traumatique17. Bon nombre de ses patients souffraient encore de traumatismes, surtout de résurgences d’événements traumatiques durant la journée18. Certains patients étaient par exemple hantés par des cauchemars dans lesquels ils étaient poursuivis par les Khmers rouges ou dans lesquels les membres de leur famille décédés criaient à l’aide car ils étaient menacés par les Khmers rouges19. Il a ajouté que l’impossibilité pour les survivants d’organiser des cérémonies religieuses ou d’enterrer leurs proches a contribué à prolonger leur période de souffrances, qui n’ont pas pu faire leur deuil ni rendre hommage aux âmes des disparus20.
Certaines victimes souffraient de dépression et ne souhaitaient plus vivre ni continuer à élever leurs enfants21. Les enfants ont dû travailler deux fois plus dur pour aider leurs parents gravement traumatisés, nombre d’entre eux en sont devenus alcooliques et ont souffert d’hypertension et de maladies chroniques22.
Traumatisme spécifique aux victimes du S-21
L’ampleur et la cruauté des méthodes de torture employées au S-21 diffèrent de celles des autres centres de détention23. Résultat, les membres de la famille des victimes directes du S-21 ont souffert d’un traumatisme secondaire spécifique, notamment d’un phénomène d’identification aux victimes, de culpabilité, de désarroi et de problèmes psychiatriques, entre autres24. Chhim a raconté qu'un de ses patients (une victime du S-21) avait été torturé avec sa femme25. Selon Chhim, le patient se sentait coupable car il se sentait impuissant et ne pouvait rien faire, cela lui arrivait de rêver que sa femme l’appelait à l’aide26.
Recherche de la justice et de la vérité
La découverte de la vérité, la justice et la capacité à pardonner sont des facteurs de guérison importants pour les victimes27. Chhim a affirmé que la guérison psychologique des victimes dépend de l’honnêteté et de la sincérité des accusés et des anciens leaders du Kampuchéa démocratique28. Il a également mis l’accent sur le fait que l’absence de responsabilité de la part des anciens dirigeants du Kampuchéa démocratique représentait un poids supplémentaire pour tous les Cambodgiens, qui ne souhaitent pas se voir privés de la vérité et de la justice29.
Selon Chhim, les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC) doivent également jouer leur rôle en apportant un soutien aux victimes, les tribunaux peuvent aider à rendre une justice symbolique et révéler la vérité30. Bien que le risque de revivre des événements traumatisants soit accentué au sein des tribunaux, les CETC peuvent aider les victimes à affronter leur traumatisme du moment qu’ils reçoivent l’aide appropriée31.
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Date | Procès-verbal d’audience | Numéro de transcription |
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mardi 25 août 2009 | E1/68 | E1/68.1 |
Titre du document en khmer | Titre du document en anglais | Titre du document en français | Numéro de document D | Document numéro E3 |
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Aucun |