Mandat judiciaire
Compétence personnelle
Le mandat judiciaire des CETC consistait à juger deux catégories de Khmers rouges1:
01
Les hauts dirigeants du Kampuchéa démocratique qui figurent parmi les principaux responsables des crimes commis ainsi que des graves violations du droit pénal cambodgien, du droit international humanitaire et coutumier ainsi que des conventions internationales reconnues par le Cambodge.
02
Les dirigeants du Kampuchéa démocratique qui ne figurent pas parmi les hauts dirigeants et qui font partie des principaux responsables des crimes commis ainsi que des graves violations du droit pénal cambodgien, du droit international humanitaire et coutumier ainsi que des conventions internationales reconnues par le Cambodge2.
Il appartient exclusivement aux co-procureurs et aux co-juges d’instruction d’apprécier si une personne donnée entre dans la catégorie des “hauts dirigeants” ou des “principaux responsables”.
Compétence temporelle
Les CETC étaient mandatées pour poursuivre les auteurs de crimes commis à compter du
17 avril 1975 et jusqu’au
6 janvier 1979,
c’est-à-dire la période correspondant au régime des Khmers rouges4.
Les CETC étaient habilitées à s’appuyer sur des éléments de preuve relatifs à des événements n’entrant pas dans la période en question, par exemple pour éclaircir le contexte d’une situation donnée, pour démontrer l’existence d’un mode opératoire systématique et délibéré, et/ou pour établir par voie de déduction des éléments constitutifs d’un comportement criminel (en particulier l’intention) relevant de la compétence temporelle des CETC5.
Bien que les crimes doivent avoir été commis entre le 17 avril 1975 et le 6 janvier 1979 pour relever de la compétence des CETC, les faits et comportements (y compris en ce qui concerne l’intention) se rattachant à la période antérieure pouvaient être invoqués pour démontrer la participation d’un accusé à une entreprise criminelle commune, à condition que les faits et comportements en question se soient poursuivis durant la période pertinente6.
Compétence matérielle
Les CETC avaient compétence sur les crimes suivants :
- Crimes réprimés par le Code pénal cambodgien de 1956 : homicide, torture et persécution pour motifs religieux7;
- Génocide tel que défini dans la Convention de 1948 relative au crime de génocide8;
- Crimes contre l’humanité incluant : i) meurtre, ii) extermination, iii) réduction en esclavage, iv) déportation, v) emprisonnement, vi) torture, vii) persécution pour motifs politiques, raciaux et religieux, viii) autres actes inhumains9;
- Graves violations des Conventions de Genève de 1949, incluant : i) homicide intentionnel, ii) torture ou traitements inhumains, iii) fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter gravement atteinte à l’intégrité physique ou à la santé, iv) fait de priver des prisonniers de guerre ou des civils de leur droit à un procès équitable, v) déportations ou transferts ou détentions illégales de civils10;
- Destruction de biens culturels durant un conflit armé, conformément à la Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé11;
- Crimes contre les personnes qui bénéficient de la protection internationale conformément à la Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques12.
Dans la pratique, aucun des dossiers portés devant les CETC ne comportait des accusations ayant spécifiquement trait à la destruction de biens culturels durant un conflit armé ni à des crimes contre les personnes qui bénéficient de la protection internationale.
La responsabilité pénale d’un individu pouvait être retenue pour avoir commis les crimes susmentionnés, pour les avoir planifiés, pour avoir incité à leur perpétration, ou encore pour avoir ordonné leur commission ou pour l’avoir aidée et encouragée13. La participation à une entreprise criminelle commune a également été reconnue judiciairement comme une forme de commission des crimes14. Un individu pouvait également être tenu responsable en tant que supérieur hiérarchique n’ayant pas empêché ou puni un subordonné qui avait commis les crimes précités15.
La fonction ou le rang d’un individu ne l’exonère pas de sa responsabilité ni ne lui permet de bénéficier d’un allègement de la peine16. De même, prétendre avoir agi en exécution d’un ordre donné par le gouvernement du Kampuchéa démocratique ne constitue pas un argument de défense valide.
Compétence territoriale
En tant que tribunal cambodgien, les CETC étaient compétentes pour connaître des crimes commis sur le territoire du Cambodge, y compris dans ses eaux territoriales, ainsi que des crimes commis par des cadres khmers rouges à l’étranger, par exemple en République socialiste du Vietnam.
Mandat résiduel
En décembre 2021 est entré en vigueur l’Additif relatif aux dispositions transitoires et à l’achèvement des travaux des Chambres extraordinaires ("l’Additif") rattaché à l’Accord relatif à la création des CETC conclu entre l’ONU et le Gouvernement royal du Cambodge. L’Additif a conféré aux CETC (dans le cadre de la structure existante) les fonctions résiduelles suivantes :
01
Examiner les requêtes en révision de jugements définitifs et instruire les procédures correspondantes
02
Assurer la protection des victimes et des témoins
03
Sanctionner ou déférer aux autorités compétentes toute personne qui, de propos délibéré, entrave l’administration de la justice ou fait un faux témoignage
04
Surveiller l’exécution des peines et contrôler le traitement des détenus condamnés
05
Tenir, conserver et gérer leurs archives, y compris la déclassification des documents et des pièces
06
Donner suite aux demandes d’accès aux documents
07
Diffuser des informations au public sur leurs activités
08
Surveiller l’exécution des éventuelles réparations accordées aux parties civiles
La phase des fonctions résiduelles des CETC a commencé le 1er janvier 2023.
Procédures
judiciaires
Les procédures judiciaires engagées devant les CETC se sont fondées sur le systeme judiciaire. En dépit des nombreuses similarités, plusieurs éléments sont propres aux CETC et ne se retrouvent ainsi pas dans l’ordonnancement judiciaire cambodgien ordinaire, comme par exemple le recours à deux procureurs et à deux co-juges d’instruction dans le cadre d’une seule et même affaire, la composition des Chambres et leurs procédures de vote, ainsi que l’existence d’une Chambre préliminaire autonome.
Cliquer ci-après pour comprendre la place des CETC au sein du système judiciaire cambodgien
système judiciaire cambodgienOn trouvera ci-après une vue d’ensemble du déroulement de la procédure judiciaire.
01
L’ENQUÊTE
PRÉLIMINAIRE
Les co-procureurs recueillent des informations, y compris les plaintes déposées par les victimes, pour apprécier l’existence de preuves attestant de la commission d’un crime relevant de la compétence des CETC. Le cas échéant, les co- procureurs adressent aux co-juges d’instruction une demande écrite (un « réquisitoire introductif ») tendant à l’ouverture d’une procédure d’instruction. Le réquisitoire introductif, qui peut être suivi d’une ou de plusieurs demandes supplémentaires (les « réquisitoires supplétifs ») comporte une description des crimes à instruire ainsi que le nom (s’il est connu) de leurs responsables allégués.
02
L’INSTRUCTION JUDICIAIRE
Les co-juges d’instruction diligentent des enquêtes au sujet des informations figurant dans le réquisitoire introductif et le(s) réquisitoire(s) supplétif(s). Une fois l’instruction terminée, ils rendent une ordonnance de clôture prononçant soit un renvoi en jugement, soit un non-lieu.
03
LES APPELS INTERJETÉS DURANT LA PHASE PRÉLIMINAIRE
Les co-procureurs, les personnes mises en examen et les parties civiles peuvent se pourvoir en appel devant la Chambre préliminaire pour contester les décisions rendues par les co-juges d’instruction.
04
LE PROCÈS
Les parties présentent et examinent les éléments de preuve devant les juges de la Chambre de première instance pour contribuer à la manifestation de la vérité. Une fois les audiences terminées, les juges examinent les éléments de preuve portés devant eux et déclarent l’accusé coupable ou non coupable.
05
LES APPELS
Les parties peuvent se pourvoir en appel devant la Chambre de la Cour suprême pour contester les décisions et jugements rendus par la Chambre de première instance. La Chambre de la Cour suprême examine les éléments de preuve et /ou les décisions de la Chambre de première instance, puis rend une décision définitive qui n’est pas susceptible d’appel.
Parties
Il existe trois catégories de parties devant les Chambres extraordinaires.CO-PROCUREURS
Les co-procureurs sont chargés de déposer des dossiers devant les CETC et de diriger l’action publique au cours de la phase préliminaire, du procès et de la procédure en appel.
PLUS D’INFORMATIONSPARTIES CIVILES
Les parties civiles sont des victimes habilitées à participer aux débats à l’audience et à demander des réparations.
PLUS D’INFORMATIONSPERSONNES MISES EN EXAMEN ET EN ACCUSATION
Les personnes mises en examen et en accusation sont les personnes mises en examen par les co-juges d’instruction suite au dépôt d’un réquisitoire introductif, ainsi que les personnes mises en accusation par l’effet d’une ordonnance de renvoi.
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