Communiqué de presse du co-juge d'instruction cambodgien (traduction non officielle)

Le 19 mars 2012, le co-juge d’instruction international suppléant a publié un communiqué de presse et un certain nombre de documents qui mettent le co-juge d’instruction cambodgien dans l’obligation de présenter des explications sur la partie qui concerne son bureau afin d’éviter tout malentendu dans le public.

1. le co-juge d’instruction cambodgien n’aurait pas reconnu l’autorité du juge Laurent Kasper-Ansermet en tant que co-juge d’instruction international et ne lui aurait pas apporté son soutien

Avant son arrivée à Phnom Penh, le co-juge d’instruction suppléant a envoyé au co-juge d'instruction cambodgien, le 17 novembre 2011, un courriel par lequel il demandait une réunion aux CETC pour discuter des mesures procédurales à prendre dans le cadre des dossiers n° 003 et 004, et dans lequel il affirmait que le gouvernement cambodgien s'opposait à sa venue au Cambodge . Le co-juge d'instruction cambodgien est convaincu que cette remarque était sans fondement, puisque le juge Laurent Kasper-Ansermet est arrivé sans entrave aux CETC dans les jours qui ont suivi. Peu de temps après son arrivée, et avant même que toute discussion entre les deux juges soit organisée, le co-juge d'instruction international suppléant a, le 2 décembre 2011, envoyé au co-juge d'instruction cambodgien un projet d'ordonnance portant reprise de l'instruction dans le dossier n° 003 . Le 5 décembre, le co-juge d’instruction cambodgien a rencontré le juge Laurent Kasper-Ansermet et lui a dit : « Je ne peux discuter avec vous d’aucune question relative au dossier ni entreprendre avec vous la moindre mesure procédurale tant que le siège du co-juge d’instruction international est vacant parce que cela m’est interdit, en application des dispositions du Règlement intérieur, des articles 26 et 27 de la Loi relative aux CETC et des articles 3 et 5.6 de l’Accord qui prévoient qu’un co-juge d’instruction international suppléant  doit d’abord être désigné juge titulaire, ainsi que cela a été fait quand le juge Siegfried BLUNK a remplacé le juge Marcel LEMONDE. Par conséquent, vous devez d’abord attendre une désignation officielle en qualité de juge pleinement accrédité. En outre, ces actes précipités ne feront pas avancer les dossiers n° 003 et 004, et ne vont pas dans le sens de l’intérêt de l’ensemble du Bureau des co-juges d’instruction, et vous [juge international suppléant] devriez donc mettre cette période à profit pour étudier la substance du dossier, car il contient un grand nombre de documents fondamentaux. En outre, vous devez également vous familiariser avec la procédure spécifique des CETC parce qu’à cette occasion vous avez à tort utilisé le titre Ordonnance de Reprise de l’Instruction Préparatoire [qui est normalement menée par les co-procureurs] alors qu’à ce stade il aurait fallu utiliser le terme d’“instruction” ». Le juge international suppléant Laurent Kasper-Ansermet a reconnu qu’il n’avait pas ouvert le dossier mais qu’il devait sans attendre prendre l’initiative de rouvrir l’instruction dans le dossier n° 003 pour éviter que le juge d’instruction cambodgien envoie une ordonnance de renvoi aux co-procureurs. En réponse, le juge d’instruction cambodgien a expliqué : « l’ordonnance de renvoi a été rédigée il y a plusieurs mois par le co-juge d’instruction cambodgien et le co-juge d’instruction international Siegfried BLUNK, mais la seule raison pour laquelle nous n’avons pu le signer durant le mandat du juge BLUNK est le retard inexpliqué et non motivé de la décision de la Chambre préliminaire relative à l’appel des co-procureurs. Aujourd’hui, comme aucun co-juge d’instruction international pleinement accrédité ne peut participer à la procédure pour rendre l’ordonnance de renvoi, le co-juge d’instruction cambodgien ne saurait la transmettre aux co-procureurs et ne prendrait pas une telle mesure précipitée qui violerait les règles de procédure ».

Le juge Laurent Kasper-Ansermet insistant pour recevoir une réponse écrite, le co-juge d’instruction cambodgien lui a adressé un mémorandum interne, par lequel il réaffirmait qu’il ne pouvait commencer à discuter de mesures procédurales avec le juge international suppléant qu’après que celui-ci ait été régulièrement habilité par le Conseil supérieur de la magistrature du royaume du Cambodge, qu’il s'agissait du respect de la procédure et que c’était la procédure qui avait été appliquée entre le co-juge d’instruction cambodgien en personne et les co-juges d’instruction internationaux précédents . Dans son communiqué de presse du 6 décembre 2011 et ses communiqués suivants, le co-juge d’instruction cambodgien a fermement maintenu la même position.

Le fait que le co-juge d’instruction cambodgien s’en soit tenu à une interprétation du Règlement intérieur, de la Loi et de l’Accord relatifs aux CETC doit être vu comme son engagement à exercer son mandat de manière professionnelle et non comme une mesure visant le juge suppléant Laurent Kasper-Ansermet. Ainsi, par exemple, le co-juge d’instruction cambodgien a récemment invité le co-juge d’instruction international suppléant à un dîner dans un restaurant de Phnom Penh, ce que le juge international suppléant a récemment présenté dans un communiqué de presse comme une réunion informelle.

2. La procédure de désaccord en application de la règle 72 du Règlement intérieur

Suite à la réunion du 5 décembre 2011, le juge international de réserve Laurent Kasper-Ansermet a présenté au co-juge d'instruction cambodgien ce qu'il a appelé un désaccord dans les dossiers n° 003 et 004 sans aucune consultation ou discussion mais sur le seul fondement du mémorandum intérieur du 5 décembre 2011. En outre, le co-juge international suppléant a, sans consulter le co-juge d'instruction cambodgien, publié à maintes reprises des déclarations publiques en violation de la règle 56 du Règlement intérieur.

En conséquence, le co-juge d'instruction cambodgien a répondu par voie de communiqué de presse pour éviter tout malentendu dans le public, et pour réaffirmer sa position, ainsi que pour avertir le co-juge d'instruction international qu'il commettait des erreurs.

Étant donné que le co-juge d’instruction international suppléant a présenté de manière ininterrompue des avis de désaccord, le co-juge d'instruction cambodgien a ordonné au greffier cambodgien et à l'assistant administratif de ne pas accepter de nouveaux avis de désaccord présentés par le co-juge d'instruction international suppléant puisqu’aucune discussion relative à des mesures procédurales n'avait été menée entre le co-juge d'instruction cambodgien et le co-juge d'instruction international suppléant, et que par conséquent aucun désaccord ne pouvait être enregistré. En outre, le 27 février 2012, le co-juge d'instruction cambodgien a envoyé une lettre confidentielle au co-juge d'instruction international suppléant pour lui notifier et lui réaffirmer sa position et pour lui demander de cesser immédiatement d'utiliser le nom du co-juge d'instruction cambodgien en relation avec des mesures unilatérales.

Le co-juge d'instruction cambodgien souhaite réaffirmer qu'il n'existe aucun désaccord entre les co-juges d'instruction conformément à la règle 72 du Règlement intérieur, mais que l’objection du co-juge d'instruction cambodgien sur cette question vient du fait que le juge Laurent Kasper-Ansermet n’a pas été régulièrement habilité et que le Règlement intérieur et que la Loi relative aux CETC ne prévoient aucune disposition à cet égard. Par conséquent, c’est ce problème d’habilitation qu’il convient de résoudre en premier. Le co-juge d’instruction international suppléant Laurent Kasper-Ansermet ne saurait, pour justifier certaines mesures qu’il a prises en dépit des principes et pratiques juridiques applicables, se référer aux opinions d’autres juges qui n'ont pas compétence à les présenter.

3. Refus de verser au dossier certains documents du co-juge d'instruction international suppléant

En principe, les co-juges d'instruction sont en possession du dossier de l'instruction et exercent un contrôle sur lui, et aucun document ne peut être versé au dossier sans l'accord des deux juges. Comme le juge Laurent Kasper-Ansermet n'a aucune autorité légale pour décider ce qui doit être versé au dossier, le co-juge d'instruction cambodgien n'a accepté de verser aucun document au dossier depuis le départ du juge Siegfried BLUNK, à l’exception de demandes de constitutions de parties civiles déposées durant le mandat de ce juge parce que les deux juges étaient d'accord pour les verser au dossier. Par conséquent, en qualité d’unique juge titulaire supervisant un dossier d'instruction, le co-juge d'instruction cambodgien n’a autorisé aucune modification du statu quo ante dans le dossier, telle que tentée par le juge suppléant qui n’a aucune autorité légale. C’est dans ce contexte que le juge d'instruction international suppléant Laurent Kasper-Ansermet a déclenché plusieurs procédures pour des entraves à l'administration de la justice alléguées (en application de la règle 35 du Règlement intérieur) contre un fonctionnaire chargé des dossiers et le Chef de la section d'appui judiciaire parce que ces personnes ont obéi aux instructions du co-juge d'instruction cambodgien qui n’a autorisé aucune modification des dossiers en l’absence de délibération des juges conformément aux dispositions du Règlement intérieur, de la Loi et de l’Accord relatifs aux CETC. Une procédure pour entrave à l’administration de la justice a également été déclenchée contre le Chef d’équipe cambodgien du Bureau des co-juges d’instruction qui a transmis l’instruction du co-juge d’instruction cambodgien à la Section d’appui judiciaire. De telles mesures ne sauraient faire avancer les dossiers, mais représentent des menaces manifestes contre des fonctionnaires qui se sont opposés aux instructions du co-juge d’instruction international suppléant, en dépit du fait que ces actes avaient déjà été exécutés par les fonctionnaires du bureau de l'administration.

4. Rejet de la demande de consultation des dossiers par les co-avocats des parties civiles à la suite d’une ordonnance par laquelle le co-juge d’instruction international suppléant déclarait recevable des constitutions de partie civile

Comme le co-juge d’instruction international suppléant n’est pas légalement habilité pour prendre de telles mesures procédurales, aucune de ses décisions n’a d’effet juridique. Par conséquent, le refus du fonctionnaire de la section d’appui judiciaire était la décision appropriée concernant la demande de constitution de partie civile Rob Hamill, qui a déjà été rejetée par le co-juge d’instruction cambodgien et le juge Siegfried BLUNK, et dont l’appel a également été rejeté par la Chambre préliminaire.

Il est vraiment exagéré de faire un lien entre cette question et le fait que le juriste principal international se soit vu refusé l’accès de la section d’appui judiciaire puisque dans son courriel en date du 2 mars 2012 adressé au juriste principal international, avec copie au co-juge d’instruction cambodgien, au co-juge d’instruction international suppléant et au directeur par intérim et directeur adjoint du bureau de l’administration, le chef de la section d’appui judiciaire a souligné les manquements à l’éthique et les fautes professionnelles du juriste principal international. Ces manquements ne surprennent pas le co-juge d’instruction cambodgien parce que le juge Siegfried BLUNK et lui-même se sont plaints à deux reprises au responsable de l’ONU de ces manquements après que le juriste principal international eut traité le juge Siegfried BLUNK de « connard » dans son dos. À cet égard, le co-juge d’instruction cambodgien porte en haute estime la position du juge Siegfried BLUNK qui a eu l’occasion de réagir en disant « Comme juges, nous devons prendre nos propres décisions, qui ne sont pas soumises aux pressions du juriste principal ou de tout autre élément extérieur ».

5. Rétention du tampon officiel du bureau des co-juges d’instruction

Le co-juge d’instruction cambodgien souhaite préciser que durant les mandats des juges Marcel LEMONDE et Siegfried BLUNK il n’existait qu’un seul bureau des greffiers, les greffiers cambodgien et international partageant le même local, et le tampon était conservé par le greffier cambodgien. Le 6 février 2012, le juge Laurent Kasper-Ansermet a ordonné que le greffier international déménage dans un autre bureau sans aucune notification ou explication au co-juge d’instruction cambodgien.

Le 20 février 2012, le greffier cambodgien a demandé au co-juge d'instruction cambodgien son accord pour que le tampon soit conservé dans le bureau du co-juge d'instruction cambodgien. Cette requête a été présentée après que le co-juge d’instruction international suppléant eut menacé le greffier cambodgien, par le truchement du greffier international, de procédures légales en application de la règle 35 du Règlement intérieur, procédures identiques à celles entamées contre d'autres fonctionnaires de l’administration judiciaire, si le greffier cambodgien refusait de placer le tampon sur tous les documents rendus par le juge Laurent Kasper-Ansermet. La menace a été prononcée après que le greffier cambodgien eut également accidentellement constaté la présence inattendue du juge Kasper-Ansermet et de son greffier dans le bureau du greffier cambodgien alors qu'il en était absent . Le 20 février 2012, le co-juge d'instruction international suppléant a adressé une lettre enjoignant au co-juge d'instruction cambodgien de régulariser la situation dans les 24 heures, c'est à dire avant le lendemain 16 heures, faute de quoi il prendrait toutes les mesures légales nécessaires contre le co-juge d'instruction cambodgien . Le co-juge d'instruction cambodgien n'a pas répondu à cette menace.

6. Entrave aux enquêtes internes

Comme indiqué plus haut, le co-juge d’instruction international suppléant a utilisé la règle 35 du Règlement intérieur pour menacer plusieurs fonctionnaires des CETC, aussi bien cambodgiens qu’internationaux.

Le 20 Janvier 2012, le co-juge d'instruction international suppléant a signé une commission rogatoire concernant une enquête sur l’entrave à l’administration de la justice en application de la règle 35 du Règlement intérieur portant instruction d’interroger Christopher Ankersen, Chef de la section de la sécurité, et Soe U Myint, Chef de la section des technologies de l’information et des communications, au sujet du refus qu’ils ont opposé à l’enquêteur Paolo Pastore Stocchi, qui leur avait été envoyé le 28 septembre 2011. Cette commission rogatoire était uniquement fondée sur le rapport de Paolo Pastore Stocchi qui l'avait rédigé pour cacher une faute professionnelle qu’il avait commise alors que, lors d’une précédente enquête menée en application de la règle 35, ordonnée à la fois par le co-juge d'instruction cambodgien et le co-juge d'instruction international Siegfried Blunk, il avait commis une violation grave de la commission rogatoire du 19 septembre 2011, et cette violation a ensuite donné lieu à une plainte officielle auprès de Patricia O’Brien, Conseiller juridique et chef du Bureau des affaires juridiques à l’ONU, dans une lettre datée du 20 octobre 2011. Qui plus est, la commission rogatoire du juge Laurent Kasper-Ansermet n’a pas été rédigée comme il convient, bien qu’une explication lui ait été communiquée et qu’un document de référence sur la méthode à employer pour entreprendre cette procédure lui ait été envoyé par Knut Rosandhaug le 17 janvier 2012.

Le co-juge d'instruction cambodgien n'a jamais donné d'instruction au juriste principal cambodgien et aux autres fonctionnaires des CETC concernant une réponse à une sommation quelle qu'elle soit émise par les enquêteurs internationaux, mais il voit clairement que la réponse du juriste principal cambodgien et le silence des autres fonctionnaires cambodgiens et internationaux qui connaissent les principes juridiques applicables aux CETC étaient les réponses adéquates aux menaces du co-juge d'instruction international suppléant Laurent Kasper-Ansermet, qui n'est pas pleinement habilité en qualité de juge titulaire. L'accusation d’entrave à l'administration de la justice lancée par le juge Laurent Kasper-Ansermet contre les fonctionnaires et le co-juge d'instruction cambodgiens est en tous points une présentation exagérée des faits.


Concernant les assertions du juge Laurent Kasper-Ansermet d’illégalité, de dysfonctionnement et de violation des principes procéduraux, le co-juge d’instruction cambodgien considère comme suit :

1. Les mesures procédurales concernant les dossiers n° 003 et 004 ont été prises sans aucun problème durant les mandats des juges Marcel LEMONDE et Siegfried BLUNK, même si certaines mesures ont été prises avec l’accord des deux juges et certaines autres ont fait l’objet d’une procédure de désaccord.

2. L’activité dans le cadre des dossiers n° 003 et 004 a ralenti depuis le départ du juge Siegfried BLUNK, faute que soit remplie la place du juge habilité à le remplacer et à entreprendre les procédures en cours, bien qu’un accord presque total ait été atteint entre le co-juge d’instruction cambodgien et le co-juge d’instruction international, Siegfried BLUNK.

3. Le co-juge d’instruction cambodgien réaffirme qu’il ne s’est jamais opposé au juge Laurent Kasper-Ansermet sur quelle que question procédurale que ce soit, mais qu’il ne peut reconnaître la validité juridique d’aucune des mesures procédurales qu’a prises le co-juge d’instruction international suppléant à ce jour.

4. Le co-juge d’instruction cambodgien souhaite en outre préciser que bien que le co-juge d’instruction international suppléant ait lancé des accusations d’entrave, en réalité il a à ce jour mené librement ses missions dans les provinces, et au moment précis où il a publié le communiqué de presse où étaient lancées les allégations d’entrave, il menait des entretiens avec des parties civiles dans la petite salle d’audience des CETC.

5. En dépit de tout cela, le co-juge d’instruction cambodgien se réjouit de la démission du juge Laurent Kasper-Ansermet. Le co-juge d’instruction cambodgien est convaincu qu’en démissionnant le juge Laurent Kasper-Ansermet assume sa responsabilité pour les fautes professionnelle et procédurale qu’il a commises malgré les avertissements répétés du co-juge d’instruction cambodgien.

6. Le co-juge d’instruction cambodgien s’est engagé à maintenir un professionnalisme de haut niveau et considère que toute l’expérience acquise au sein des CETC est un héritage pour le système judiciaire cambodgien.
 

NB : Traduction de l'anglais.