Dossier n° 001

Le dossier 001 fut la première affaire conclue devant les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens. Il concernait Kaing Guek Eav, alias Duch, l’ancien dirigeant du centre de sécurité des Khmers rouges S-21, situé à Phnom Penh. 

Duch a été transféré de la prison militaire au centre de détention des CETC le 31 juillet 2007 sur ordonnance des co-juges d’instruction. Ces derniers ont mis Duch en accusation le 8 août 2008. Cette ordonnance a été confirmée et partiellement amendée par la Chambre préliminaire le 5 décembre 2008.

Suite aux audiences initiales des 17 et 18 février 2009, les audiences au fond ont commencé le 30 mars 2009. Celles consacrées à l’examen de la preuve se sont finies le 17 septembre 2009. Les réquisitoires et plaidoiries concluant les audiences se sont déroulés pendant cinq jours, du 23 au 27 novembre 2009. 

Durant les 72 jours d’audiences consacrées à l’examen de la preuve, la Chambre de première instance a entendu 9 témoins experts, 17 témoins ayant déposé par rapport aux faits, 7 témoins qui sont venus témoigner de leur connaissance du caractère de Kaing Guek Eav et du comportement de ce dernier ainsi que 22 parties civiles. Durant le procès, la Chambre a examiné sept thèmes relatifs aux poursuites : 

  • Les questions relatives à M-13 ;
  • L’établissement de S-21 et de la prison de Takmao ;
  • La mise en œuvre des politiques du CPK à S-21 ;
  • Le fonctionnement de S-21, dont Choeung Ek ; 
  • Le conflit armé ; 
  • L’établissement et le fonctionnement de S-24 ; et 
  • Les questions relatives à la personnalité de l’accusé. 

Environ 1000 documents ont été soumis à la Chambre et ont fait l’objet d’un examen. Plus de 31000 visiteurs ont assisté au procès depuis la galerie du public de la salle d’audience. 

Le 26 juillet 2010, la Chambre de première instance a reconnu Kaing Guek Eav coupable de crimes contre l’humanité et de violations grave des Conventions de Genève de 1949, et l’a condamné à une peine de 35 années d’emprisonnement. Sa peine a été réduite de 5 ans à titre de mesure de réparation en raison  de l’illégalité ayant entaché sa détention sous l’autorité du Tribunal militaire du Cambodge entre le 10 mai 1999 et le 30 juillet 2007. A également été déduite de la durée de sa peine la totalité de la période de sa détention provisoire sous l’autorité des CETC. 

Concernant les demandes des parties civiles, la Chambre de première instance a admis 64 parties civiles et leur a accordé les réparations suivantes :

  • L’inclusion de leurs noms ainsi que de ceux des membres de leurs familles décédés durant les faits, en tant que parties civiles au jugement ; 
  • La compilation et la publication de toutes les excuses et reconnaissances de responsabilité faites par Duch. 

Tant l’accusé que les co-procureurs ont interjeté appel de ce jugement devant la Chambre de la Cour suprême. Un certain nombre de parties civiles (19 parties civiles et 22 personnes dont les demandes de constitution de partie civile avaient été rejetées) ont également formé un recours en appel contre les décisions de la Chambre de première instance concernant leurs demandes de réparation ou de constitution de partie civile. 

La Chambre de la Cour suprême a entendu les arguments présentés en appel durant la dernière semaine du mois de mars 2011 (du 28 au 30 mars 2011). Un résumé de l’Arrêt a été lu en audience publique par la Chambre de la Cour suprême le 3 février 2012.

Faisant droit aux moyens d’appel des co-procureurs, la Chambre de la Cour suprême a annulé la peine de 35 ans prononcée par la Chambre de première instance le 26 juillet 2010 et a condamné  KAING Guek Eav à une peine de réclusion à perpétuité, soit la peine maximale prévue par la loi. 

A la majorité qualifiée, la Chambre de la Cour suprême a annulé la décision par laquelle la Chambre de première instance avait accordé une réduction de peine de 5 ans à titre de réparation pour la violation des droits de l’Accusé du fait de l’illégalité de sa détention par le Tribunal militaire. La Chambre de la Cour suprême a rejeté le moyen d’appel par lequel KAING Guek Eav alléguait qu’il ne relevait pas de la compétence rationne personae des CETC.

Par ailleurs, la Chambre de la Cour suprême a estimé que la Chambre de première instance avait attaché un poids excessif aux circonstances atténuantes et un poids insuffisant à la gravité des crimes et aux circonstances aggravantes, ce qui constitue une erreur de droit.

Enfin, la Chambre de la Cour suprême a fait droit aux appels de 10 des 22 parties civiles dont les demandes de constitution de partie civile avait été rejetées par la Chambre de première instance. Elle a également tranché sur les appels interjetés par les parties civiles au sujet des réparations morales et collectives en confirmant la décision de jugement d’afficher l’intégralité des excuses et des déclarations de responsabilité faites par Duch durant l’ensemble de son procès sur le site internet des CETC. 

Conformément aux articles 5, 6 et 29 (nouveau) de la Loi relative à la création des CETC, la Chambre de la Cour suprême, dans son Arrêt rendu le 3 février 2012, a déclaré Kaing Guek Eav coupable des crimes suivants, commis à Phnom Penh et sur le territoire cambodgien entre le 17 avril 1975 et le 6 janvier 1979 : 

 

Crimes contre l'humanité 

  • persécution pour motifs politiques ;
  • extermination (cette infraction englobant celle de meurtre) ;
  • réduction en esclavage ;
  • emprisonnement ;
  • torture ; et
  • autres actes inhumains.

 

Violations graves des Conventions de Genève de 1949

  • homicide intentionnel ;
  •  torture et traitements inhumains ;
  • fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter gravement atteinte à l’intégrité physique ou à la santé ;
  • fait de priver intentionnellement des prisonniers de guerre ou des civils de leur droit à un procès équitable ; et
  • détention illégale de civils.

 

Indicted Person