Communiqué de presse de la Chambre de première instance concernant les crimes de violence sexuelle

La représentante spéciale du Secrétaire général de l’ONU chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, Margot Wallström, a récemment invité le Gouvernement cambodgien et les CETC à mettre en œuvre tous les moyens dont ils disposent, en toute indépendance, pour rendre hommage au courage des victimes de violences sexuelles commises à l’époque des Khmers rouges et pour attester du sacrifice des victimes et des survivants. La représentante spéciale a insisté pour que le tribunal consacre pleinement ses ressources et son attention au traitement de ces crimes, tout comme il le fait pour les autres crimes contre l’humanité dont il est saisi (Voir le Cambodia Daily du 29 mai 2012).

Étant donné qu’historiquement les violences sexuelles ont eu tendance à être plus souvent subies que dénoncées et vu la prévalence actuelle du problème au Cambodge, on constate avec satisfaction l’attention renouvelée portée à ces questions. Tous les tribunaux internationaux chargés de poursuivre les auteurs présumés de crimes graves relevant du droit international se sont efforcés de renforcer leurs moyens pour intégrer les violences sexuelles dans leurs stratégies d’investigations et de poursuites et pour répondre plus efficacement aux besoins des victimes. Les CETC ne font pas exception. Elles ont déjà tiré profit des recommandations présentées par de nombreux experts dans ce domaine et restent à l’écoute de toutes les propositions constructives qui peuvent leur permettre de garantir que les crimes de violence sexuelle commis durant le régime des Khmers rouges seront traités comme il convient durant le travail qui reste à faire. Le co-procureur international, Andrew Cayley, a récemment fourni des précisions concernant l’approche du Bureau des co-procureurs des CETC dans ce domaine.

Aux CETC, les victimes de violences sexuelles ont pu agir en qualité de plaignantes devant les co-procureurs, de parties civiles participant à la procédure ou de témoins déposant devant les Chambres. Dans tous les cas, les CETC ont, par l’intermédiaire de l’Unité de soutien aux victimes et aux experts, mis en œuvre des mesures visant à fournir la protection et l’aide appropriées aux victimes de violences sexuelles, rendu hommage au courage dont elles ont fait preuve en se faisant connaître et reconnu l’importance de leur contribution pour le travail des CETC. Les CETC disposent également d’un mécanisme unique qui permet aux victimes de demander réparation et les victimes de violences sexuelles font partie du groupe de parties civiles qui peuvent participer au procès dans le cadre du dossier n° 002. Les demandes de réparations présentées au nom de toutes les victimes sont toujours en cours de formulation, quoiqu’il faille noter que la mesure dans laquelle ces réparations pourront en fin de compte apaiser les souffrances des innombrables victimes des crimes commis durant le régime des Khmers rouges dépendra de nombreux éléments, notamment de la disponibilité de fonds octroyés par des donateurs. Les Chambres des CETC qui ont été saisies du dossier n° 001, qui est désormais clos, ont reconnu dans leur verdict que les violences sexuelles étaient un élément des tortures qui avaient été infligées au centre de détention S-21 et en ont tenu compte quand elles ont évalué la culpabilité de l’Accusé et la peine prononcée à son encontre.

La représentante spéciale Margot Wallström regrette qu’en dehors de la question des mariages forcés, les CETC n’aient traité que de manière marginale les crimes de violence sexuelle et elle a recommandé que la portée des accusations possible puisse être réexaminée, ce qui supposerait que la Chambre de première instance saisie du dossier n° 002 (actuellement en procès) ait la possibilité d’étendre la portée des accusations portées à l’encontre des Accusés au-delà de celle formulée dans l’Ordonnance de renvoi. Le cadre procédural des CETC interdit cette possibilité.

En fin de compte, tous les tribunaux internationaux, y compris les CETC, ne peuvent réellement espérer traduire en justice qu’un faible pourcentage des auteurs présumés de tous les crimes commis. Pour cette raison, il convient de trouver plusieurs types de réponses aux crimes relevant du droit international. L’apport essentiel des CETC se retrouvera non seulement dans les verdicts qu’elles prononceront mais également dans l’impulsion qu’elles donneront aux autres mesures qui permettent aux victimes d’avoir prise sur leur propre vie et d’apaiser leurs souffrances. La manifestation consacrée au témoignage des femmes cambodgiennes relatif aux violences sexuelles sous les Khmers rouges (Cambodian Women’s Hearing on Sexual Violence under the Khmer Rouge) qui s’est déroulée en décembre 2011 et au cours de laquelle des témoins, des survivants et des experts se sont réunis pour entendre des témoignages consacrés au très grand nombre de viols perpétrés contre d’innombrables femmes durant le régime du Kampuchéa démocratique, est un excellent exemple d’initiative externe aux procédures formelles suivies dans le cadre des CETC. De telles initiatives contribuent beaucoup à exprimer la solidarité avec les victimes de violences sexuelles, à leur donner les moyens d’agir et à éduquer le grand public. Il faut souhaiter que les procès en cours devant les CETC continueront d’inspirer de telles mesures qui permettent d’informer le public, d’apporter une aide aux victimes du régime des Khmers rouges et de toute autre manière d’utiliser les horreurs du passé pour plaider en faveur d’un avenir meilleur au nom de tous les Cambodgiens.